Dans un arrêt rendu le 10 septembre 2025, la Cour de cassation confirme que la responsabilité pénale d’un dirigeant peut être engagée pour la signature de contrats de sous-traitance sans garantie de paiement, même s’il n’en est pas l’auteur direct. Explication d’un arrêt clé pour les acteurs du BTP.

Une infraction classique dans le secteur du bâtiment

Dans le secteur de la construction, la garantie de paiement du sous-traitant est une obligation légale (article L. 241-9 du Code de la construction et de l’habitation). Pourtant, certains contrats omettent cette garantie ou mentionnent des cautions fictives ou résiliées, au risque d’engager la responsabilité pénale du dirigeant.

C’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire portée devant la Cour de cassation (arrêt n°23-82.632).

Les faits : des contrats de sous-traitance conclus sans garanties valables

Monsieur X., gérant de sociétés de construction de maisons individuelles, était poursuivi pour avoir laissé conclure des contrats de sous-traitance :

  • soit avec la mention d’une caution inexistante (« caution groupe Y »),

  • soit avec une société de garantie réelle… mais dont les engagements avaient été résiliés plusieurs mois auparavant.

Ces pratiques ont été qualifiées par la cour d’appel de stratégie délibérée pour maintenir l’activité des sociétés malgré l’absence de garanties effectives.

Une procédure en trois actes

  1. Tribunal correctionnel : M. X. est relaxé.

  2. Cour d’appel d’Orléans : il est condamné à 1 an de prison avec sursis et 18.000 euros d’amende.

  3. Cour de cassation : le pourvoi est rejeté.

Peut-on être condamné sans avoir signé les contrats litigieux ?

C’est tout l’enjeu du pourvoi. Le prévenu faisait valoir que son père, co-gérant décédé durant la procédure, était l’interlocuteur principal des sous-traitants, et que lui-même n’avait pas signé les contrats incriminés.

Ce que décide la Cour de cassation

La chambre criminelle rejette l’argumentation du dirigeant.

Elle considère que M. X. était gérant de droit des sociétés concernées, avait accès à l’information comptable et contractuelle, disposait de compétences en gestion (diplômé d’école de commerce), n’a jamais démissionné, malgré sa connaissance des pratiques.

Conclusion : sa responsabilité pénale est pleinement engagée, même s’il n’a pas personnellement signé les contrats.

L’absence de garantie n’est pas une négligence isolée, mais une stratégie commerciale risquée, consciente et assumée.

Les textes appliqués

Analyse : un arrêt à fort impact pour les entreprises du BTP

Ce que la Cour réaffirme ici, c’est une vision exigeante du rôle du dirigeant. Diriger, c’est veiller activement au respect des règles.

Même en l’absence de signature, un chef d’entreprise ne peut pas fermer les yeux, surtout lorsqu’il dispose des pouvoirs d’agir, de la compétence pour comprendre les risques et d’aucune délégation de pouvoir.


Ce qu’il faut retenir

  • Le simple fait d’être gérant engage votre responsabilité.
  • L’inaction ou le silence valent adhésion à une pratique illicite.
  • La signature des contrats n’est pas une condition nécessaire à la culpabilité.

Bonnes pratiques pour les dirigeants d’entreprise du BTP

  1. Vérifiez systématiquement la validité des garanties de paiement.
  2. Mettez en place des délégations de pouvoirs formalisées, précises et suivies.
  3. Conservez des preuves de votre vigilance (emails, alertes, PV, etc.).

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